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XuOl'Blog
23 mars 2005

Le droit de manger ?

Comme je le fais une fois par semaine, je suis arrivé hier vers 18h10 à la Péniche du coeur (créée par un certain Michel Colucci...), un hébergement sur la Seine pour les SDF, de 70 places, où je suis bénévole. Comble de l’ironie, le port autonome de Paris n’a pas fait mieux que d’attribuer un emplacement (d’ailleurs très cher) sur la rive gauche, juste devant le ministère des finances (Bercy) et des siéges sociaux de deux grandes banques françaises : en un seul regard, on a à la fois la pauvreté et la misère de Paris qui ne fait pas le poids face aux mastodontes représentants la richesse de notre beau pays.

A mon arrivée, comme d’habitude, on a papoté avec certains bénévoles sur la semaine passée et sur l’élection du représentant des bénévoles au conseil d’administration (je mettrai en ligne d’ailleurs, dans un prochain post, la lettre de motivation d’un des deux candidats à ce poste, assez risible… ça m’a fait beaucoup sourire et au final, ça a tellement l'air de plaire qu’il risque d’être élu !). Il y a une réelle amitié qui s’est créée entre nous tous, en peu de temps : on est une quinzaine, de tous ages, avec pour seule ligne de conduite, permettre à chacun de manger à sa faim et d’avoir un toit, sous le regard bienveillant de notre parrain Coluche.

A 18h30 les portes de l'assos s’ouvrent aux « bénéficiaires ». Beaucoup de nouveaux hier. Normalement, un nouveau arrive pour un minimum de 14 nuits, il pourra en fonction de sa motivation à s’en sortir et de son cas personnel, être prolongé jusqu’à 2 mois. Ce qui permet de lier des relations enrichissantes et régulières avec certains. J’ai accueillis 3 nouveaux hommes, écouté la colère d’un jeune qui conspuait sa cabine, qui lui rappelait l’étroitesse de son ancienne cellule de taule… rien de bien original, c’est notre lot hebdomadaire, on est confronté à tous les caractères, tous les cas personnels, tous les âges (de 17 à 80 ans !!!! Et oui malheureusement…). Il faut savoir écouter et ne pas juger les gens.

A 19h45, on est passé à table. Pour une fois, je n’étais ni chef de soirée, ni en cuisine, ni à la plonge. J’ai donc dîné à une table avec tout le monde. Entamer le dialogue n’est pas toujours des plus simples. Parfois personne ne veut parler. C’est un choix, il faut le respecter. La personne en face de moi n’allait pas bien, je l’ai senti, il a pu parler, échanger avec nos compagnons de table et je pense que ça lui a fait le plus grand bien, ça évite parfois que trop de haine s’emmagasine dans la tête et ça évite parfois la violence. Car quand on est un peu en marge de la société, il est difficile de rester la tête en dehors de l’eau, de pouvoir discuter simplement sans complexe. C’est ce qui fait la richesse de l’action de tous les bénévoles.

Le gros « hic » de la soirée s’est déroulé vers 21h10. Et ce n’est pas la première fois. Je dis « hic », car une ptite engueulade entre bénévoles a encore eu lieu (sur un sujet qui devra être de nouveau discuté lors de nos réunions privées) en parti devant les bénéficiaires et on peut compter sur eux pour juger rapidement de tout ça. Le problème vient du fait qu’il y a des règles strictes (d’arrivée, de départ… des horaires, des consignes… pour resocialiser les gens) : à partir de 21h, les dîners ne sont plus servits, par exemple. Seule une collation / sandwichs peut être donnée, jusqu’à 21h30.

Cette règle permet que les bénéficiaires « rentrent » dans une plage d’horaires bien définie, pour pouvoir dîner. Hier soir, des gars sont arrivés, comme souvent, après 21h00. L’un à 21h10, un autre à 21h15. Ils ont réclamé un dîner. Que faire quand leur seul argument de retard est qu’ils viennent de sortir du boulot et qu’ils ont trés faim aprés cette dure journée ??? Que faire quand on sait très bien qu’il y a en cuisine deux plats entiers de restes ! Il y a alors deux camps (pas très équilibré) : celui qui, par expérience est là pour faire respecter les règles et qui dit « non, pas de dîner, juste un sandwich », et l’autre camp qui, pour certains cas, fait exception et parle avec le cœur, "juste pour cette fois". Problème… Dilemme même.

Hier soir, les trois jeunes arrivés entre 21H00 et 21h30 ont pu dîner… Grâce à l'un d'entre nous. On leur a bien spécifié que c’était exceptionnel et que ça ne se reproduirait pas… Qu’il ne fallait pas qu’ils fassent le coup encore à l'équipe du lendemain. Car il y a de nombreux filloux ! Beaucoup abusent des règles et c’est à nous de les faire respecter. Tant bien que mal ! Pas toujours facile donc…

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